Le gagne-pain de nos créateurs et créatrices de musique continue d’être menacé par le rythme en constante évolution de l’industrie. De nouvelles technologies, comme la musique générée par l’intelligence artificielle (IA), pourraient changer à jamais notre paysage musical en modifiant la façon dont les créateurs et les créatrices de musique sont en mesure de posséder et de monétiser leur travail.
En tant qu’artiste oeuvrant dans l’industrie de la musique depuis plus de 20 ans, j’ai pu constater de première main l’impact de l’angoisse que l’incertitude fait planer sur les créateurs de musique.
Au sein du conseil d’administration de Ré:Sonne, une société de gestion des droits musicaux, nous sommes régulièrement en contact avec des pairs de tous les secteurs de l’industrie et nous entendons directement parler de leurs difficultés à joindre les deux bouts. Ma propre orientation professionnelle m’a conduite vers de nouveaux projets, mais ce n’est certainement pas une solution pour tous nos créateurs de musique. Notre écosystème artistique s’en trouverait grandement affaibli car nous assisterions à une diminution considérable de la production culturelle de notre pays et de l’enrichissement de notre culture.
C’est pourquoi nous faisons pression sur les gouvernements pour qu’ils adoptent immédiatement des changements législatifs significatifs afin d’alléger le fardeau qui pèse sur les créateurs de musique. Il est grand temps d’entamer un cycle de changements positifs pour l’amélioration de notre industrie musicale.
Nous devons immédiatement amender l’obsolète Loi sur le droit d’auteur grâce à des solutions basées sur le marché actuel. Attendues depuis longtemps, ces mises à jour permettront non seulement d’instaurer un régime de droit d’auteur plus neutre sur le plan technologique, mais aussi d’uniformiser les règles du jeu pour des milliers de créateurs canadiens et ce, dès maintenant.
Le prochain budget fédéral de 2024 est l’occasion en or pour notre gouvernement de créer une loi sur le droit d’auteur qui soit plus équitable et plus juste, afin de protéger les moyens de subsistance des créateurs canadiens de musique.
En premier lieu, le gouvernement doit modifier sa définition d’ « enregistrement sonore » dans la Loi sur le droit d’auteur, afin de remédier à l’exclusion injuste des artistes-interprètes et des producteurs des redevances d’exécution provenant de la télévision, des films, des plateformes de streaming vidéo et d’autres contenus audiovisuels.
Actuellement, les artistes-interprètes et les producteurs canadiens ne perçoivent aucune redevance d’exécution lorsque leur enregistrement sonore est utilisé dans une émission de télévision, un film, une plateforme de diffusion vidéo en continu ou tout autre contenu audiovisuel. En modifiant la définition de l’enregistrement sonore, ils seront rémunérés de manière juste et équitable lorsqu’un enregistrement sonore sera utilisé dans un film, à la télévision ou dans d’autres contenus audiovisuels.
Deuxièmement, le gouvernement doit éliminer l’exemption « temporaire » de 1,25 million de dollars pour les stations de radio commerciales, instituée en 1997 — une subvention à la radio commerciale aux dépens directs des détenteurs de droits musicaux. Une exemption spéciale et transitoire de 1,25 million de dollars a été créée en 1997 pour soulager temporairement les radios commerciales. Plus de vingt-cinq ans plus tard, cette subvention existe toujours, malgré les consolidations de l’industrie de la radio et les profits extraordinaires réalisés au cours de cette période.
Cette faille continue d’être exploitée aux dépens des créateurs de musique. Cette exemption injuste de 1,25 million de dollars doit être supprimée de la loi canadienne sur le droit d’auteur afin que les stations de radio rémunèrent équitablement les artistes-interprètes et les producteurs canadiens pour leur travail.
Troisièmement, le gouvernement doit mettre à jour le régime de la copie privée afin de le rendre technologiquement neutre. La Loi sur le droit d’auteur n’est pas à jour ; elle ne tient pas compte de la façon dont les Canadiens écoutent et copient la musique aujourd’hui. Malgré la prévalence de la diffusion de musique en continu, près de six milliards de pistes musicales sont actuellement stockées sur les téléphones et les tablettes des Canadiens. Ré:Sonne continue d’appuyer les efforts de la Société canadienne de perception de la copie privée en vue d’obtenir un régime de copie privée technologiquement neutre afin que les titulaires de droits soient payés pour les copies de leurs oeuvres.
Ces trois amendements sont des solutions basées sur le marché. Elles amélioreront grandement la vie des créateurs et des créatrices de musique. Ces amendements ne nécessitent aucun financement supplémentaire de la part des contribuables. Le Canada a déjà pris du retard par rapport à plus de 40 pays dont les créateurs bénéficient de ces droits. Le Canada doit rester compétitif et adopter ces amendements pour s’assurer que nos créateurs soient sur un pied d’égalité tant ici qu’à l’étranger.
Ces amendements permettront d’instaurer des bases solides dans le but d’une législation future qui assurera la viabilité et la prospérité de l’industrie canadienne de la musique et ce, pour les générations à venir.